Thursday, February 9, 2017

Loi, droit, lois, morale et liberté

J’aime bien commencer un billet sur la liberté en rappelant la définition qu’en donne Henri Lepage, dans Libres ! (comme ailleurs) : « le droit de faire ce qu’on désire avec ce qu’on a » (ce qu’on possède légitimement). C’est donc la propriété individuelle qui matérialise les limites de cette fameuse liberté, qui sinon ne se définirait que vaguement par rapport à celle d’autrui, sans plus de précision.

Bien évidemment, la nature de la propriété est d’être un droit, au sens juridique. Ce qu’on peut caractériser comme un fait social objectif pouvant être opposé à un tiers pour obtenir justice. La propriété individuelle est même la base de tous les droits légitimes, donc du droit en soi, de manière plus globale. Ce « droit en soi » est ce qu’on dénomme habituellement par « droit naturel ».

La propriété fonde également les piliers les plus importants de la morale occidentale, voire humaine. La propriété a pour miroir immoral le vol, quand la vie et la propriété de soi se reflètent dans le meurtre. Le droit fondamental est donc le miroir direct des piliers de la morale. Pour autant, bien des gens mettent dans le champ de la morale des considérations bien plus étonnantes, j’y reviendrai.

A ce niveau, on a défini ni plus ni moins que l’ensemble de ce qui constitue la base juridique de la société libre. Bien sûr, celle-ci est plus complexe grâce à l’ensemble des contrats qui la construisent, mais aucun de ces contrats ne repose sur autre chose que le droit naturel, donc le droit de propriété.

Arrive ensuite la loi. Le mot est au singulier, comme l’est « le droit ». Le droit, en réalité, est pourtant infiniment pluriel, puisqu’il y a autant de droits qu’il y a de propriétés c’est-à-dire que de citoyens : il y a ce que j’autorise chez moi, ce que tu autorises chez toi et ce que l’autre autorise chez lui.

La loi par contre est au singulier parce que la loi suppose une entité unique qui la porte et qui en impose l’application, sur un territoire donné. En d’autres mots, la loi suppose un état qui en force le respect par les citoyens – on ne sait pas vraiment comment elle arrive, ni s’ils l’ont choisie ou pas.

Comparée au droit naturel, elle pose a minima des bases juridiques censées donner légitimité à une autorité, des institutions, des procédures qui complètent le droit et fondent l’état associé. La loi est donc un concept qui ouvre la porte à l’état monopole régalien et qui est donc au-delà de la stricte idée libérale. On pourrait considérer que cette vision de la loi correspond au minarchisme, mais ce n’est pas une définition indiscutablement consacrée de cette variante très floue du libéralisme.

La loi ouvre la porte aux lois, au pluriel. Dès que la loi crée des institutions dont l’objet est d’incarner le droit, il y a deux possibilités. Dans un rêve, l’état se contenterait de porter la police et la justice, à partir du seul droit naturel. Dans la réalité et dans l’histoire, on constate que l’état revendique le pouvoir législatif en plus du pouvoir judiciaire. Le pouvoir législatif conduit à la création de lois qui ne reposent plus sur le droit de propriété, mais expriment le pouvoir politique de l’état sur le citoyen.

Dans ce régime qui est celui que nous subissons, dit du droit positif, la légitimité des lois ne reposent plus sur la liberté individuelle à travers le droit de propriété. Dès lors, à part des lois élémentaires établissant les institutions, à partir on ne sait trop de quoi, aucune des lois des démocraties n’ont la légitimité qu’apporte le droit véritable. On peut même affirmer que les lois ne voient le jour que pour imposer au citoyen des règles illégitimes, car sinon il n’y aurait pas besoin de lois pour les voir suivies.

L’habitude prise depuis des décennies de la loi et des lois, et de leurs institutions, a influencé la morale populaire. Elle s’est entachée de présupposés hérités de la tentative de faire passer certains textes ou principes comme légitimes et donc devant moralement être respectés. Par exemple, il est de bon ton de porter un grand respect aux élus, surtout ceux siégeant dans les chambres nationales, la fausse bonne réputation fait souvent le pouvoir politique. L’affaire Penelope montre que la donne change, mais elle montre aussi combien il est encore rare d’oser voir rappelé à tous ces usurpateurs du pouvoir qu’ils n’ont aucune légitimité ni prestige qui en feraient de pseudos élites à honorer.

Contrairement à ce que bien des libéraux considèrent, la loi, les lois, la séparation des pouvoir, la morale, rien de tout cela ne fait partie de l’attirail du libéralisme. Il se contente juste du droit naturel.

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